A Promenoir Poétique CAUSE DES CAUSEUSES 2017 Flux

Chloé LANDRIOT , Vingt-sept degrés d'amour

 

Chloé LANDRIOT vingt-sept degrés d'amour 001

 

 

Laisse-moi

Faire fête de ton corps

Faire festin de mes sens

Sans peur

 

Laisse-moi  retrouver

L'endroit où je veux être

Laisse-moi arriver

A tâtons dans mon corps

Sans me perdre

 

Du pain doux de ta chair

Laisse-moi me nourrir

Seulement jusqu'à ma faim

 

Tout n'est pas réparé

Mais nos baisers s'avancent

Sur les chemins obscurs et sacrés du passé

Jusqu'à l'endroit précis où nous ne fûmes jamais

Ensemble

 

Là où pourtant chacun de nous

Rencontre

L'autre 

Et le connaît

A cette place exacte qu'il tient dans ses bras.

 

 

 

 

Chloé LANDRIOT, Vingt-sept degré d'amour, Editions Le Citron Gare | Dessins de J. PARDANAUD : Couverture, pp. 42,77,84 | Dessins de C.LANDRIOT :pp. 19,28,56,62,64,Poème cité pp.45,46

 


Avec Béatrice MACHET, dans Duo de gens-pierres

 

   Béatrice MACHET Duo de gens-pierres 001

 

HENRI BAVIERA 001

 

 

Es-tu à l’heure   quand vivre mesure les distances et que la voix s’essaie

aux coïncidences

 

tance et stances dans cette voix qu’ensemble déjà figure

                                                              un regard

                                                    de passage

                           te désigne un dedans

 

quel retard    quelle avance dans la projection d’un avenir

accordé à ton action

                             d’écrire

 

et si déchire la voix quelle voile gonflée du vent de l’angoisse

 

quelle charge se dirait chair ou grenade

l’impossible à désamorcer

                        le possible de la détonation

                                           contre le palais

                                           sous la galerie des dents

*

L’expression de la langue

 

cette immortelle

 

est-ce phrase      est-ce assez articulé

 

est-ce le juste achèvement humain qui suspend

 

                  le temps             et la bonne heure

 

ne pas tout dire         et ne pas oublier le tout

 

                                                 comme un secret

                                                 à toi confié

                                                 à toi de lire

 

 

Béatrice MACHET, Duo de gens-pierres, Dessins d' Henri BAVIERA,

Livre d’artiste, Septembre 2014, p. 10 et 12.  

 

 

Béatrice MACHET sur Terres de Femmes

 


Avec Armand le Poête | On est obligés de faire avec...

ARMAND LE POÊTE 001

 

j’ai vécu toute ma vie

perché sur un ane

traversant la ville et dire

que le monde est raté

*

dire le monde

c’est pas moi qui l’a fait

c’est fini quand j’arrive

et moi comme un con perché

sur un ane à écrire

*

la vie c’est tout cadeau

pour ceux qui savent se penché

sur les beautés.

*

les beautés du poête

ne sont jamais assez belles souvent

le poête se penche en vain.

*

Je pars à la campagne

cueillir des fleurs

c’est plus joli

que les poèmes.

*

les poèmes sa nourit pas

son homme et celui qui trop

en fait meurt dans les luzernes

*

Tu peux pas fermer tes placards, non !

[…]

le professeur

se méfie du poête

car le poête aime la beauté

et l’erreur tandis que

le professeur s’interresse

a l’orthographe a l’histoire

a ma sœur

[…]

Quelques propositions pour un affichage municipal

sur panneaux lumineux ou sous abri-bus 

( À son ami Claude Seyve)

 

[…]

MON AMI LE TIGRE

A CHAQUE FOIS

QU’IL ME VOIT

IL EN MANGE UN MORCEAU

[…]

 

Y A-T-IL

DE LA PENSÉE

EN DEHORS

DU BIG BANG

[…]

 

LE MONDE

TOUS LES JOURS

AVANCE

D’UN MILLIMÈTRE

ET MOI JE

RECULE DE DEUX

[...]

 

TOUTES LES FEMMES

ÉPOUSÉES

PAR UN AUTRE

QUE MOI

SONT

DANS L’ERREUR

[…]

 

POETE

ANALPHABETE

CHERCHE

MUSE

INTRANSIGEANTE

[…]

 

TU N’ES

PAS ENCORE NÊE

QUE DÊJA

TU M’AIMES ENCORE

[...]

 

MES LECTEURS

SI NOMBREUX

SONT PARFAITS

ILS NE FONT

AUCUN BRUIT

[...]

 

eTc…

 

Armand le Poête & Violette , Revue Gros Textes,1998, p.7,8, 33,38,41,42,43. Dessin : Sylvie Villaume

http://armand.le.poete.free.fr/livres.html

(sans titre)
édition revue et complétée du recueil "Poésies"avec interventions parlée de Violette et poêmes pour panneaux lumineux d'informations municipales [ supervisé par Patrick Dubost  rattaché de presse ou agent scruteur de gaffes selon les budgets disponibles]

Editions Gros Textes, Fontfourane, 05380 Châteauroux-les-Alpes

[email protected]

 

 

 

 


Avec Claudine LEBÈGUE , A MA ZONE II , Lettre de démission

Claudine LEBEGUE A MA ZONE II

 

Lettre de démission

 

Il est interdit de mendier et de troubler de quelque manière que ce soit la tranquillité des voyageurs dans le métro sous peine d’amende.

 

Dommage pour tout le monde. Moi, dans le métro, j’ai appris à chanter. C’est ma plus grande école, mes hautes études, mes hauts fourneaux. J’ai appris à viser. J’ai appris ce que donner une chanson veut dire. J’ai appris à recevoir le regard des autres. Et mes voyageurs visiblement, portaient bien leurs noms. Ils voyageaient, on voyageait, tout le monde voyageait. Et tout ça dans un commerce très équitable puisque chacun donnait ou pas ce qu’il pouvait, et ce qu’il voulait. Le métro, voilà une école gratuite pour les artistes et d’utilité publique.

Ainsi donc, après ces quatre années passées dans vos boyaux, chère RATP, j’arrive au terme de ma formation et en qualité de chanteuse pulmonaire, je m’en vais chanter à l’air libre et je me casse en emportant la caisse, c’est-à-dire : votre odeur de sueur, vos bruits de couloirs, vos portes plaintes, la voûte pisseuse de vos cieux, le soleil blême de vos néons, vos bouffées de chaleur, les hurlements de vos freins, les râles de vos pensionnaires, j’emporte tout, avec moi et pour toujours. Je m’en vais chercher l’inspiration, l’expiration, d’autres airs pour les poumons de mon biniou, mais je garderai à jamais, dans les souterrains de mes chansons, la voix de chemins de fer que vous m’avez ouverte.

 

Salut

J’ai aimé

 

                            Paris 1983

 

 

Claudine LEBÈGUE, A MA ZONE II ,

Editions LA PASSE DU VENT, 2014,  p.54


Avec Katia BOUCHOUEVA | Equiper les anges - et dormir, dormir

Katia BOUCHOUEVA Equiper les Anges 001

 

Aphrodite et Europe

 

1.

Au travers : petite brume.

grande pluie.

rêve pâteux,

algues pourries,

coquillages où la petite chanson de la mer

s’estompe, tombe,

reviens Aphrodite ou Europe – ou les deux :

Aprhrodite et Europe.

 

 

2.

Mortelles par contre :

25, 30 berges.

Éternité encombre

et ne protège

plus. Sort de l’écume -

fatiguée et tremblante

et noire comme la Vierge.

 

 

3.

Telle une eau bénite,

un Perrier citron

vieille, timide et pâlotte,

je me suis déversée dans les rues de Marseille

en échouant sur la côte.

 

 

4.

Pirouette sur le sol savonneux

évitée de justesse.

Surfaces poussiéreuses,

Linos crasseux, taureaux enragés –

attention !

Tout a une fin

heureuse – voici votre déesse,

montée de toutes pièces,

déesse multifonction.

 

 

5.

Maternelle –

fait-marin et salé.

Atterris, mon enfant

sur la piste de cette table,

sur le lit de ce sable,

inévitable enfant d’adoration.

 

 

6.

Qui ne touchera

jamais la terre méchante.

Maman nulle part. Partout maman.

Attend qu’il fasse tard

et sort tout seul de l’œuf d’une étoile

couchante – et marche vers moi.

Éros, certainement.

 

 

7.

Frites et boissons –

dans cette ville, mon garçon,

nous attendaient.

et tout au fond –

derrière les bars et le cinés –

parlant la langue des nourrissons –

la Méditerranée.

 

 

 

Katia BOUCHOUEVA , Équiper les anges – et dormir, dormir,

 La Passe du Vent POÉSIE, 2017, p.60-61.


Avec Martine DELERM | LE PAYS D'AVANT

 

LE PAYS D'AVANT Martine DELERME

C’est l’histoire d’une petite fille très calme, presque une poupée oubliée dans l’espace. Elle n’a pas de bouche et elle pense aux choses qu’elle doit faire avec un point de vue aiguisé sur la fatalité des événements imminents. Elle fait ce que pratiquement personne ne fait, elle aime ce que probablement personne n’aime avec autant de détails, elle attend le moment qui vient avec une attention démesurée qui devient sa raison de vivre et d’agir. Elle savoure l’idée de ce qui va lui arriver en s’affairant de manière délicate, dynamique et contemplative, un léger sourire en sous-main, à l’exception des événements incongrus comme les vaccins. Au début de l’histoire elle a devant les yeux une vaste bibliothèque dont elle attend un signe d’appel. Les tranches sont vierges, les couleurs sont douces et la taille des livres ne donne aucun indice sur leur contenu. L’important c’est de savoir attendre le moment de choisir et de lire quelque chose qui va tomber sous le sens, ou plutôt tous les sens réunis. Elle semble avoir l’habitude, elle se tient prête.  Camille est « open » comme disent les jeunes d’aujourd’hui, oui d’accord, mais cependant, on nous répète qu’elle préfère ce qu’elle appelle « le pays d’avant ». L’expression est à double - fond, et elle vogue comme un fantôme, depuis le titre.  On comprend vite que pour cette enfant, le temps et l’espace ne sont pas séparés, ils chantent ensemble en tons crémeux, sur le fond valorisant et blanc des double-pages…  « Un instant creux » a la même valeur qu’un bol vide qu’on empile après avoir bu son contenu. Le temps de s’apprêter à boire et le temps d’avoir bu ont un lien charnel entre eux. Et il suffit de changer le verbe des deux phrases qui précèdent pour toucher intimement le mécanisme de la chute trop brutale du temps sur la rêverie en vigueur. Le dessin s’amuse à montrer ce qu’il faut retenir de cette histoire de petite fille ordinaire qui refuse l’écoulement idiot du temps sur les petites saveurs du quotidien, des saisons et des situations. Le temps fond et il sème la confusion des sentiments.  Les volcans-bagages sont une métaphore de tout ce que doit contenir un cerveau pour changer de paysage sans se perdre de vue. Se croire « gardien de phare » n’est pas une idée anodine dans le contexte. Vivre les choses de plus haut mais consentir à les aimer au ras des pâquerettes, devant la mer toujours recommencée, ou un spectacle dont on ne sait rien encore, demain dans sa dégaine de futur relatif... Tout est discret dans cette démonstration de sagesse. Le livre de Martine DELERM prend bien son élan et il est beau à feuilleter avec des mains petites ou grandes, à la recherche du temps rapatrié de l’enfance.

EXTRAIT : 

Avant le retour des vagues, la plage

est immense, on peut marcher vers l'horizon

Perchée sur les rochers, rêver à des tempêtes

Camille aime les marées basses, creuser

des chemins d'eau dans le sable mouillé,

construire des bateaux fragiles.

Avec la marée haute, être mouette, anémone

de mer, se croire gardien de phare. 

Martine DELERM | LE PAYS D'AVANT | Seuil Jeunesse | 2016 | Non paginé.